Restitution de la soirée du Jeudi 9 avril 2018

Sur le thème de :
« Quelles solutions pour la mobilité urbaine de demain ? »
 
Georges AMAR, Prospectiviste et chercheur associé à MINES PARIS TECH, Auteur de Homo Mobilis – Le nouvel âge de la mobilité
 
Que retenir après votre intervention dans le cadre de la soirée mobility management ?

Georges Amar : « Mon analyse globale s'appuie sur l'idée générale que nous vivons un changement de paradigme. Pour comprendre et situer toutes ces innovations, il ne s'agit pas seulement d'amélioration ou d'optimisation ponctuelles de standards existants. Il faut comprendre que nous vivons depuis peu un véritable basculement qui nécessite de nouveaux concepts pour le penser.
 
Bien qu'il soit récent dans les usages, le mot « mobilité » est devenu omniprésent. Il dépasse les concepts traditionnels de transport et de déplacement. Certes ces notions n'ont pas disparu, mais elles ne suffisent plus à décrire nos modes de vie. Par exemple, le paradigme standard du déplacement existe toujours. L'idée est de savoir comment aller le mieux possible de A à B en établissant plusieurs critères comme ceux de la vitesse, du prix, de la sécurité. De nombreuses optimisations concernent ce paradigme standard. Mais cette notion est loin d'être suffisante pour expliquer les évolutions en cours. C'est pourquoi je privilégie les termes de « vie mobile ». Parce que précisément, le transport est un moment de la vie. C'est l'organisation globale de nos vies qui est affectée par la mobilité : le travail, la distraction, le commerce, la culture, l'éducation...
 
Les catégories standards ne sont plus dominantes. C'est par exemple la fin de la vision classique et de l'opposition entre le transport en commun et le transport individuel. Cette dichotomie n'est plus uniforme. Pendant la grève SNCF, c'est la SNCF, elle-même qui a fait la promotion du covoiturage. L'opposition n'est plus tranchée. Il faut donc forger de nouveaux concepts. Pour comprendre la mobilité, j'ai par exemple inventé le néologisme de TPI pour transport public individuel afin de notamment décrire les vélos ou scooter en libre accès.
 
Le concept de transport n'est lui aussi plus pertinent car il est attenant au paradigme standard, celui de la « vie postée » : chaque chose se fait à sa place. On travaille dans des bureaux, on achète dans des commerces, on étudie à l'école, on se soigne à l'hôpital ... Traditionnellement, les choses se font dans des lieux fixes et affectés.
Cela subsiste mais l'apparition du télécommerce, de la télémédecine et la digitalisation de nos modes de vie bouleversent ces habitudes... Tous les aspects de notre quotidien se réalisent autrement. Aujourd'hui plus personne n'est à son « poste ». Les transformations sont innombrables et la mobilité devient aujourd'hui un mode de vie. On voyage plus, on travaille en voyageant. Les frontières tombent.
 
Enfin, évitons tout malentendu. Rentrer dans la vie mobile ne signifie pas rentrer dans une vie plus agitée ou faire plus de kilomètres, cela signifie domestiquer la mobilité et être décontracté dans cette dernière. Dans le paradigme ancien, la vie normale est fixe, postée et le mouvement est un entre deux, une transition. La mobilité est vécue comme une perturbation. Dans le nouveau paradigme, nous serons sereinement mobiles. Il importe peu de savoir si l'on est mobile ou pas lorsque l'on peut travailler correctement dans un train par exemple. L'opposition mobilité et immobilité n'aura bientôt plus de sens. On ne va pas vers plus de mobilité. La mobilité devient un état naturel servie par la technologie. »