360° : RESTITUTION DE LA VISION DE
THOMAS BOUVATIER
PSYCHANALYSTE
FONDATEUR DE L'ASSOCIATION AUTONOMISATION CITOYENNE
AUTEUR DU PETIT MANUEL DE CONTRE-RADICALISATION
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Restitution de la soirée du mardi 6 mars 2018
" Phénomène de radicalisation religieuse en entreprise : comment le prévenir et réagir ? "
Thomas Bouvatier : "On a parlé ce qu’est la radicalité et la radicalisation La radicalité religieuse en entreprise est une pratique rigoureuse de sa religion sur le lieu de travail avec des demandes spécifiques qui se situent entre la liberté de l’employé et le bon fonctionnement de l’entreprise. Cette radicalité n’est pas forcément synonyme de radicalisation sauf si l’on voit une évolution des pratiques et des demandes dans un sens abusif.
On a ensuite évoqué les principaux signes de la radicalité et de la radicalisation. Dans la radicalité religieuse, une personne peut faire un entretien d’embauche sans son foulard et une fois passé sa période d’essai, elle peut le mettre le lendemain. Les signes de la radicalité religieuse qui se matérialisent par un foulard, ou l’intention de ne plus montrer aucune forme du corps ou celle de recouvrir toutes les parties du corps ne sont pas identifiables au départ.
Comment dès lors la détecter ?
La radicalité religieuse n’a pas été inventée par l’Islam. Elle existe dans le champ politique voire dans les comportements culturels, c’est-à-dire dans un comportement où la personne a décidé de s’oublier dans un groupe au détriment de sa vie en société.
Mais elle repose sur une même rhétorique que j’ai analysé dans le Petit manuel de contre radicalisation (PUF, 2017). Cette rhétorique se structure autour d’un « je » qui devient un « on » ou un « nous », une victimisation quotidienne et une culpabilisation également quotidienne comme manière de dialoguer avec l’autre. Cet autre est considéré comme impur, barbare, inférieur, bête.
On a ensuite évoqué ce qu’est l’Islam radical. C’est loin d’être une nouveauté. Il trouve ses origines dans la création du califat Abssaside au VIIIe s en passant par le Califat Almoravides et les auteurs Ibn Taymyya, Ibn Handal, Mohammed ben Abdelwahhab (XVIIIe), fondateur du wahhabisme avec le soutien de la tribu Sahoud, ou encore Hassan El-Banna, créateur des frères musulmans en 1928. Non seulement l’Islam radical préexiste avant l’Occident moderne mais se développe partout dans le monde grâce à une concurrence fructueuse entre les frères musulmans et les wahhabites et les sommes considérables allouées depuis la guerre du Golfe, avec une population musulmane en Europe que se disputent l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie et l’Iran dans leur lutte d’influence et de coopération.
On a vu également qu’on ne pouvait pas « déradicaliser » une personne car cela relève d’un choix personnel qui contient de nombreux bénéfices toxiques dont le premier est de trouver une « famille » fusionnelle dans laquelle l’individu va sacrifier l’altérité, tout ce qui est différent à la fois en lui et à l’extérieur du groupe. Autre bénéfice à souligner, la prise en charge de la psyché de l’individu, de ses pulsions ainsi que de son désir de glorifier son identité. Dans l’Islam radical, la personne pense sans cesse aux point perdus ou gagnés pour atteindre tel ou tel étage du paradis avec la hantise de descendre jusqu’aux enfers. D’où l’intransigeance à ne pas serrer la main des femmes, s’asseoir là où elles se sont assises car c’est l’éternité qui est en jeu. L’entreprise s’inscrit comme un cadre où des individus d’origine différente peuvent se retrouver en vue d’un but commun dont chacun pourra profiter et dont le succès rejaillira sur chacun."
Propos recueillis par Geoffroy Framery
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